Cela ressemble à un paradoxe presque grotesque : c’est précisément le composant qui fait des voitures électriques des sauveurs du climat qui plombe d’abord leur bilan écologique. La batterie est le cœur du véhicule – et en même temps son moteur de coûts, sa meule écologique, la charge discrète enfouie dans la fiche technique. Durable, vraiment ? Sérieusement ? Ou simplement le théâtre industrialo-politique habituel, qui ne prend sens qu’au deuxième acte ?

Le TCS dissèque le sujet sans fioritures. La fabrication d’un véhicule électrique pèse nettement plus sur l’environnement que celle d’un modèle thermique, surtout à cause de la production de la batterie. Pourtant, au quotidien, l’électrique distance progressivement le moteur fossile. Après 200 000 kilomètres, les émissions de gaz à effet de serre diminuent d’environ 50 %. Avec l’électricité suisse, un modèle moyen compense son handicap écologique après quelque 50 000 kilomètres. Le reste des émissions provient surtout de la maintenance, de l’infrastructure routière et, marginalement, de la production d’électricité. Le moteur roule proprement – le reste, beaucoup moins.

Que la Suisse immatricule désormais près d’un tiers de véhicules avec prise accentue une question centrale : que deviennent les batteries – et combien de temps durent-elles vraiment ? La recherche et l’industrie exigent des réponses. C’est ici que « CircuBAT » entre en scène, un projet qui repense entièrement le cycle de vie des batteries pour véhicules électriques – de la production optimisée aux concepts de réparation et de réutilisation, jusqu’au recyclage de haute précision. En bref : « CircuBAT » cherche à boucler réellement la boucle, au lieu de simplement la gérer. Lors de la conférence à Berne, le consortium de hautes écoles, d’entreprises et d’associations présente cette semaine les résultats de quatre années de travaux. « Nous voulons fermer le cycle de la batterie », entend-on en substance – une déclaration qui tient autant de la vision que de l’aveu discret. L’optimisation n’est pas un luxe, mais une nécessité. Le secteur le sait.

Les recycleurs en Suisse montrent qu’ils sont prêts. Jusqu’à 97 % des matériaux actifs peuvent être récupérés. Un taux qui dépasse même l’exigence européenne de 95 % d’ici 2031 – rare instant où la réglementation court derrière la réalité. La promesse est séduisante : moins de matières premières issues de régions sensibles, moins de dépendances, moins de loterie des prix. Mais l’enthousiasme reste mesuré. La batterie absorbe toujours jusqu’à la moitié du coût total du véhicule, dominée par des matières premières volatiles et des chaînes d’approvisionnement globales qui se moquent des sensibilités européennes.

Des alternatives techniques comme les batteries sodium-ion apparaissent à l’horizon, mais restent des rôles secondaires dans une pièce dont les protagonistes s’appellent toujours lithium, nickel et cobalt. Pour les scooters ou les micro-voitures, soit. Pour la classe moyenne, insuffisant. « Pour les véhicules plus grands, le lithium reste la technologie dominante », dit-on sèchement – et personne ne contredit.

Le tournant pourrait venir dès 2035. À cette date, les matériaux recyclés pourraient couvrir jusqu’à 30 % des besoins européens en lithium, nickel et cobalt. L’équation change : meilleur bilan environnemental, coûts de fabrication en baisse, et peut-être même une industrie européenne de la batterie digne de ce nom. Un continent qui aime dramatiser ses dépendances découvre soudain des opportunités. Ironiquement, exactement là où se trouvait autrefois le reproche principal : dans cette batterie lourde, coûteuse et affamée en ressources.

Reste la question : s’agit-il de cette « nouvelle vie » tant annoncée pour les batteries usagées – ou simplement d’une étape de plus sur un chemin qui se réécrit sans cesse ? La conclusion vient du secteur lui-même. Il recycle, optimise, calcule, pendant que le débat a déjà tourné la page. Et c’est précisément là que réside l’ironie : la batterie demeure à la fois problème et solution. Une héroïne indocile, qui ne brille vraiment qu’au troisième acte. 

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